Gaspard Goupil lia le dément, à quatre pattes.
Il fallait que les porcs affamés soient à la bonne hauteur pour pouvoir décortiquer ce qu'il restait de viande sur le nain. Gaspard entortilla le cou de l'affreux avec un fil de fer, et l 'attacha à un pieu, planté dans la fange nauséabonde, où s'ébattaient trois culs noirs du limousin.
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Venez mes petits, la soupe est prête !
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Grrrrunkk ! Aarrff, miam miam... Baahh !
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Bah ? Gruiink ! miam ! Baaahhh ! ! ! !
---- Gruuiiikk !
Snif snif ??? BAAAHHH ! ! ! !
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BBAAAAH !!!! MAIS C'EST DÊGUEULASSE ! QU 'EST QU'IL NOUS A
APPORTÉ À MANGER ? JE PRÉFERE ENCORE JEUNER !!!
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BBAAAAH !!!! MAIS C'EST DÊGUEULASSE ! QU 'EST QU'IL NOUS A
APPORTÉ À MANGER ? JE PRÉFERE ENCORE ALLER ME COUCHER, EN
ATTENDANT LES BEAUX JOURS !!!
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BBAAAAH !!!! MAIS C'EST DÊGUEULASSE ! QU 'EST QU'IL NOUS A
APPORTÉ À MANGER ? JE PRÉFERE ENCORE COMMENCER LA GREVE DE
LA FAIM !
Dans
cette ferme étrange, les animaux parlaient, tandis que les maîtres
les comprenaient. Porkos,
le chef des suidés, émit un avis définitif :
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C'est vrai ! D'habitude c'est bon la viande sur pied, mais là !
NON ! C'est pas BON !
Les
trois porcs étaient tous d'accord : PAS BON ! NON !
N'Kolae n'était pas bon, même pour un cochon. Les pauvres bêtes ne
pouvaient pas avaler une seule bouchée du nain éventré ; trop
pourri, faisandé à outrance, fielleux, non. Mais voilà qu'un petit
canard barjo sembla s'intéresser à la proie
captive ;
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Coin Coin ! C'est quoi ça ! Je vais goûter pour voir,
coin... Snif ? Mais ? La peau est bien dure, je vais
demander à Gaspard qu'il me prédécoupe un filet de nain. COIN !
COIN ! Gaspard, il faut que tu m'aides, j'ai faim, tout le monde
se moque de moi ! Car je suis barjo, petit et faible !
C'est pas une raison pour que je crève de faim ! tu dois
t'occuper de moi ! découpes moi un biftek ! COIN !
Goupil,
entendant les puissants grognements des culs noirs et les
glapissements de Saturnon, revint sur ses pas :
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Alors ! Qu'est ce qui se passe ici ! Personne ne veut
manger de nain ?
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Si ! moi je veux le manger, coin COIN !
---- Toi attends, les autres ? qu'est ce qui vous prend ? D'habitude ; les colporteurs, les voyageurs égarés, les mendiants ne vous font pas peur ! Vous en redemandez en général !
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OUI ! Mais là c'est trop mauvais, c'est à vomir, et pourtant
on est pas difficiles...
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C'est vrai ! On a jamais vu ça, c'est infect ! y a que
Saturnon qui a l'air d'aimer ça, mais ça m'étonne pas il est fou !
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Bon ça va, je vais mettre une annonce sur ebay, comme quoi je
cherche un jardinier. Patientez jusqu 'à demain, le premier
crétin qui répondra à l'annonce sera pour vous. Je l'assommerai,
puis vous pourrez le dévorer. En attendant, je vais nourrir
Saturnon, il est gaga mais lui au moins, il va nous débarrasser de
cette ordure ; qu'est ce que tu veux comme morceau mon petit
Saturnon ?
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Je veux ça là ! Ça a l'air bien tendre, à part la peau, qui
est dure comme un crocodile !
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tu veux les fesses du nain ? bon d'accord Saturnon, je
vais te découper au Laguiole des bons filets de dictaton, adaptés à
ton petit bec, tu vas te régaler.
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AH ! Merci Gaspard.
Gaspard
Goupil déplia son Laguiole collector, en acier damassé et manche
d'ivoire, qu'il avait fait faire sur mesure par un artisan de Thiers,
élu meilleur ouvrier de France. Le paysan appuya le fil de la lame
aiguisée, coupante comme un rasoir, sur la peau visqueuse du nain.
L'épiderme huileux céda. La lame entra dans la chair en infligeant au nain une douleur
cuisante :
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AAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!! PPAAAS LES
FESSSES !!! NOONNNNNNNNNNNNN !!!
Impitoyable,
ignorant les hurlements de l'agité, qui pour une fois se démenait
pour une raison valable, Gaspard Goupil découpa tranquillement le
postérieur du captif. En tranches fines. Le malheureux nain fut
bientôt privé de derrière. Saturnon, le vilain petit canard
affamé, se jeta sur la viande fraîche et avala les bifteks en un
tour de main.
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Mmmmh !!! il est bon ce nain, succulent, je me demande bien
pourquoi personne ne l'aime. Sans doute seul un barjo comme moi peut
comprendre l'amertume d'une vie vide, axée sur le clinquant et
l'humiliation d'autrui.
Pendant
que Saturnon digérait, le nain garde manger se lamentait :
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Comment vais je faire pour m'asseoir à présent ? Et comment me faire
élire encore une fois, si je n'ai plus de cul !
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